Analyser l’esclavage sous le prisme du genre et du statut amène à s’interroger sur les relations entre les femmes esclaves et les femmes libres.
Cet article, en hommage à Léocadie, nourrice de Mélanie, fille d’Ombline Desbassayns, met en parallèle l’histoire et le destin de deux femmes durant près d’un demi-siècle.
La première, issue d’une dynastie servile remontant aux années 1690, d’ascendance essentiellement indienne et africaine, est issue d’une famille au service de la seconde, véritable symbole du pouvoir esclavagiste.
Leur parcours de vie est marqué par l’enfance puis, à l’âge adulte, par le rôle d’épouse, de mère et de grand-mère. La particularité du lien entre ces deux femmes réside dans la question de l’allaitement et dans le rapport nourrices noires et enfants blancs qui implique la parentèle de Léocadie et la plupart des enfants d’Ombline.
Si des liens étroits entre allaitantes et allaités sont ici évidents, il n’en est pas de même entre femme blanche et femme noire.
« Léocadie, je l’ai donnée à Mélanie » ; cette déclaration, figurant en 1807 dans le premier testament d’Ombline, précise bien le rapport entre ces deux femmes. Elle est alors « donnée » à Mélanie pour la servir durant un bien long voyage vers un village de la région toulousaine, un véritable exil. Elle y « meurt d’épuisement » en 1809, sans avoir revu ses enfants, son mari, son île natale.
Si la fonction de nourrice implique une certaine promiscuité entre ces deux femmes, et une disponibilité permanente de Léocadie, à aucun moment la communauté de genre ne prévaudra sur la différence de statut.