Exposition « Visages d’ancêtres.
Retour à l’île Maurice pour la collection Froberville »
21 septembre – 1er décembre 2024
Château royal de Blois

Témoignage exceptionnel de l’histoire de l’esclavage, l’exposition « Visages d’ancêtres. Retour à l’île Maurice pour la collection Froberville », organisée par la Ville de Blois, est conçue par la conservation du Château royal de Blois et Klara Boyer-Rossol, historienne de l’Afrique et commissaire scientifique. Cet événement est réalisé en partenariat avec le Musée intercontinental de l’esclavage (Port-Louis, île Maurice) et la Fondation pour la Mémoire de l’Esclavage.

Depuis 1940, le Château royal de Blois conserve dans ses réserves un ensemble de 53 bustes moulés sur d’anciens captifs africains qui ont été pour la plupart mis en esclavage à l’Ile Maurice. Cette collection a été rassemblée dans cette île en 1846 par Eugène de Froberville dans le cadre de son « enquête ethnologique » sur l’Afrique orientale.

Issu d’une famille aristocratique française établie depuis la fin du XVIIIe siècle à l’île Maurice, Eugène de Froberville (1815-1904) était un intellectuel qui dédia sa vie aux sciences et aux arts. Évoluant dans les cercles les plus prestigieux de l’élite parisienne, il formula au début des années 1840 à la Société de Géographie le projet de mener une étude sur les « langues et les races de l’Afrique orientale au sud de l’équateur ».

À Bourbon et à Maurice, entre 1845 et 1847, il interrogea quelques 300 ex-captifs africains, recueillant auprès d’eux d’abondants savoirs (linguistiques, ethnologiques, géographiques etc.) sur l’Afrique orientale. Issus principalement du Mozambique, les informateurs africains de Froberville avaient été déportés comme esclaves, « engagés » ou encore « libérés » aux îles Mascareignes au cours de la première moitié du XIXe siècle.
Il produit également une collection de 63 moulages faciaux en plâtre représentant 58 de ces « informateurs ».

À la lumière des archives privées et des carnets de terrain d’Eugène de Froberville, l’historienne Klara Boyer-Rossol a reconstitué le parcours de cette collection. Ses recherches ont permis d’identifier les bustes et de retracer en partie les trajectoires de vie des individus dont les visages ont été moulés.
L’ambition de cette exposition est de donner la voix aux individus moulés, pour donner une nouvelle lecture de ces bustes, libérée de la « science des races » et des préjugés et au contraire axée sur la culture, l’expérience et le récit de chacun.

Cette exposition est aussi l’étape préalable au départ de la collection Froberville vers l’île Maurice, où elle sera dès 2025 mise en dépôt au musée intercontinental de l’esclavage de Port-Louis.

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À la Une
Les femmes mises en esclavage à Bourbon

Un article rédigé par l’historien Prosper EVE

Les sources manquent pour parler longuement des mis en esclavage d’une manière générale et des femmes en particulier. Parfois, ces sources sont sciemment maquillées.
Ces dernières années, j’ai mené un difficile combat pour obtenir la restitution de la pierre tombale offerte par la famille de son maître à la mise en esclavage Delphine, qui a reçu le nom « Hélod » lors de son affranchissement en 1835. Cette pierre lui a été subtilisée lors du retour des restes du poète Charles Leconte de Lisle dans le cimetière marin de Saint-Paul, pour offrir une tombe décente mais fictive au pirate La Buse.

À Saint-Benoît, l’épitaphe rédigée par Auguste Logeais pour la mise en esclavage Cécilia fille de Janvier, qui a été refusée par les propriétaires au moment de sa mort, a pu être apposée en 2021 à l’entrée du cimetière. Tout doit être mis en oeuvre pour sauvegarder les biens patrimoniaux qui peuvent faire un peu de lumière sur l’histoire des femmes mises en esclavage.


Les femmes réduites à l’état d’esclave sont égales aux hommes devant le travail et les punitions. Elles sont la chose d’un maître, mais aussi celle des hommes esclaves, notamment lorsqu’elles se marient. Pendant toute la période de l’esclavage, et singulièrement lors de la mise en sucre de la colonie, elles sont très inférieures en nombre par rapport aux hommes. Entre les mis en esclavage de sexe masculin et féminin, les désordres sont constants. Les femmes mises en esclavage préfèrent rester célibataires. Comme elles sont rares, le choix de vivre en concubinage leur permet de ne pas être persécutées, car l’homme a peur d’être abandonné.
À l’inverse, le mariage peut les exposer à la violence d’un mari trompé, car il est rappelé au couple, lors du serment de fidélité, que celui qui trompe l’autre doit être fouetté sur la place publique par la victime. Pour ne pas battre sa femme publiquement, le mari trompé préfère la corriger dans l’intimité de la case.

La femme mise en esclavage refuse, par le concubinage, de se soumettre elle aussi à la domination masculine. Du fait des différences de statut, la situation est restée très fortement inégalitaire et violente à La Réunion. L’esclavage fragilise tant les êtres humains, que les mis en esclavage de sexe masculin peuvent trouver dans la violence exercée sur les plus faibles (femmes, enfants), un moyen d’imiter les dominants, un moyen de se donner de l’importance, de se faire craindre.

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